Le « Quoi qu’il en coûte » ignore la détresse des jeunes - Pierre Ouzoulias, Sénateur PCF
Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes chers collègues, samedi dernier, à Bagneux, je participais à une collecte alimentaire au profit des étudiants de cette commune populaire de mon département. Des personnes aux revenus très modestes donnaient ce qu’elles pouvaient, émues par les images de ces longues files d’étudiants attendant une pitance devenue leur seul repas quotidien. La solidarité est souvent exercée par les pauvres pour les plus pauvres qu’eux. Je garde en mémoire l’image de cette femme au panier de courses à peine rempli, offrant un paquet de pâtes, en me demandant comment il était possible que, dans notre pays, une personne accédant à l’université puisse souffrir de la faim.
En 2019, par la loi de finances rectificative, votre gouvernement avait supprimé 35 millions d’€ de crédits du programme « Vie étudiante ». En 2018 et 2019, ce sont 100 millions d’€ de crédits votés par le Parlement qui n’ont finalement pas été affectés à la vie étudiante, toujours par ce gouvernement.
J’avais, l’an passé, à l’occasion de la discussion des quatre projets de loi de finances rectificative, déposé des amendements visant à apporter aux universités et aux Crous des moyens d’urgence leur permettant d’aider rapidement les étudiants. Par la voix de M. Darmanin, alors Ministre de l’Action et des Comptes Publics, le Gouvernement m’avait expliqué que des crédits budgétaires supplémentaires n’étaient pas nécessaires. La politique du « quoi qu’il en coûte » a ignoré les campus et la détresse estudiantine.
Cet automne, nous avons discuté d’une loi de programmation de la recherche, qui nous a été présentée par le Gouvernement comme le plus gros effort budgétaire depuis la Libération. L’université n’a bénéficié dans ce cadre d’aucune aide budgétaire supplémentaire, comme si les étudiants d’aujourd’hui n’étaient pas les chercheurs de demain…
J’entends en ce moment les déclarations compassionnelles du Gouvernement, qui s’alarme du mal vivre des étudiants. La pandémie n’en est pas l’unique cause : dans les universités, comme à l’hôpital, la crise sanitaire est révélatrice d’une situation de sous-investissement chronique, qui a fragilisé tout le service public de l’enseignement supérieur. Certes, l’état de carence de l’université n’est pas imputable à votre seul gouvernement. Cela fait une vingtaine d’années que l’État n’investit plus dans l’enseignement supérieur, et que l’université est soumise aux ciseaux malthusiens d’une hausse continue du nombre d’étudiants et d’une stagnation de ses budgets. Le budget moyen alloué à chaque étudiant ne cesse de baisser depuis dix ans ; cette année, il devrait même passer sous le seuil symbolique des 10 000 euros. En revanche, le budget moyen consacré aux étudiants des classes préparatoires n’a cessé d’augmenter, atteignant bientôt 16 000 euros per capita. Voilà votre choix politique !
Cela fera bientôt quatre ans que votre gouvernement gère, avec tous les pouvoirs, les affaires de notre pays : l’heure des bilans est donc venue. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, la politique menée par votre ministère ne se distingue en rien de celle menée par tous ceux qui vous ont précédée. Elle n’a fait qu’accompagner un progressif, mais irrépressible, désengagement de l’État.
L’université n’a pas été une priorité politique de votre gouvernement !
Les premières victimes de ce sous-investissement chronique sont les étudiants. Avant la crise, leur situation matérielle ne leur permettait pas de poursuivre leur cursus dans de bonnes conditions pédagogiques ; avec la crise, ils souffrent d’une paupérisation dramatique, qui s’ajoute à l’isolement, à la privation de vie sociale, à l’absence de toute perspective, avec une inquiétude grandissante sur la valeur qui sera attribuée à leur diplôme. Avant la crise, 40 % des étudiants travaillaient pour financer leurs études ; avec la crise, près de 60 % d’entre eux ont été privés de toute activité salariale. Le Président de la République a affirmé qu’un étudiant devait avoir les mêmes droits qu’un salarié. Pourquoi ne profitent-ils donc pas des mesures de chômage partiel pour toutes ces activités salariées qui les faisaient vivre et qu’ils ne peuvent plus exercer ?
Les étudiants n’en peuvent plus de souffrir de la faim, de la réclusion, du sentiment d’abandon, de la privation de tout ce qui faisait le bonheur d’être jeune, et plus encore de cette impression terrible que votre gouvernement n’a pour eux aucun projet d’avenir !
J’emprunte ma conclusion à un étudiant qui livrait son désespoir au journal La Croix…
Cet étudiant disait : « La vraie honte, c’est de voir tant d’étudiants peinant à se nourrir, alors qu’en se formant, ils créent la richesse de demain. »