74ème anniversaire de la Libération de Nice : Allocution de Thomas Waret, hommage à la Résistance et actualité du combat antifasciste
Chers amis, chers camarades,
Il y a 74 ans, dans un grand élan national, c’était au tour de notre ville de se libérer.
Depuis plusieurs années maintenant, la Mairie de Nice croit utile de faire défiler à cette occasion des véhicules de collection de l’Armée Américaine dans nos rues. Pourtant, il nous faut encore le rappeler, le 28 août 1944, à Nice, il n’y eut ni Jeep ni Tank US.
La libération de notre ville fut le fait de la Résistance elle-même. Un acte qui comme à Paris au même moment ou en Corse dès 1943 faisait entendre la voix d’une France qui voulait reprendre son destin en main et ne pas se voir placer sous tutelle par une administration militaire alliée, recyclant en grande partie Vichy, telle qu’elle était prévue dans les bagages de l’US Army.
Ce 28 août là sonna ainsi la fin de quatre années d’occupation italienne puis allemande.
Quatre années terribles pour une population soumise à toutes les privations et à l’arbitraire de la puissance occupante.
Quatre années où les occupants et les collaborateurs réprimèrent fortement les populations juives et la Résistance.
Juifs, résistants ou simples otages, ils furent près de 4 000 à être déportés. La grande majorité ne revint jamais.
Après les débarquements en Normandie et en Provence, la répression redoubla d’ampleur en cet été 1944.
Le 11 juin à St Julien du Verdon, des lycéens du Lycée Masséna furent fusillés.
Le 7 juillet, Thorin et Grassi, FTPF originaires de Gattières furent assassinés et pendus en public à Nice.
Le 11 juillet, Max, fils de Virgile Barel fut torturé et assassiné par Klaus Barbie à Lyon
Le 12 août, à Sospel les allemands fusillèrent 15 résistants français et italiens.
Le 15 août, l’occupant et la milice exécutèrent 10 résistants à Cannes et 21 à l’Ariane.
La liste est longue
C’est dans ce climat marqué par la répression mais aussi par l’espoir d’une victoire contre le nazisme que se décida et s’engagea la libération de Nice.
Une libération qui prit naissance dans ce quartier du Passage à Niveau. C’est ici qu’ont éclaté les premiers coups de feu donnant le signal de l’insurrection.
Ce moment qui semble spontané a fait l’objet d’une préparation très active. Alors que depuis 5 ans déjà, les communistes étaient dans la clandestinité et que Vichy et la collaboration supprimaient les libertés conquises de haute lutte par et pour le peuple, dès le 15 août, l’UD CGT décida le principe de la grève insurrectionnelle. Le 24 août, le comité insurrectionnel fut créé, rassemblant FTPF, Milices Patriotiques, Militants communistes. Le même jour se forma un comité d’action FFI.
C’est le 27 août qu’eu lieu au Palais Stella la réunion décisive du comité insurrectionnel qui fixa la date de l’insurrection pour le 28 août.
Les combats durèrent toute la journée s’étendant à l’ensemble de la ville et contraignirent les allemands au départ.
Nice fut libérée. 32 de nos libérateurs tombèrent ce jour-là payant de leur vie leur engagement patriotique et antifasciste.
Ne pas oublier ces dernières victimes d’un long et sanglant conflit qui va durer en Europe encore plusieurs mois signifie également ne pas oublier la source de cette guerre : le fascisme, une idéologie enfantée par le capitalisme en crise. Cette idéologie prône l’exclusion et le racisme, mais elle est plus généralement l’expression de la haine de classe d’un grand capital prêt à tout pour défendre sa suprématie, radicalisant la tradition coloniale et plongeant le monde dans la guerre.
Aujourd’hui, sont au pouvoir dans plusieurs pays d’Europe les héritiers de ceux qui ont permis au nazisme de développer son plan macabre. En Hongrie, Victor Orban, un conservateur, porte-voix de l’anti-communisme applique avec ferveur une politique ouvertement discriminante envers des populations Roms pourtant installées là depuis des siècles. En Pologne, le PIS, un parti nationaliste et clérical suspend les libertés publiques. En Slovaquie le parti social-démocrate gouverne ouvertement avec l’extrême droite. En Ukraine et dans les Pays Baltes les nostalgiques du IIIème Reich participent à des gouvernements, glorifiant les Waffen SS, les ré-inhumant en grande pompe pour en faire de vrais héros. Tous effacent les symboles de la résistance et revisitent l’histoire de leur pays sous un jour ultra-nationaliste. Récemment l’Autriche et l’Italie ont fait aussi un pas dans cette direction.
En France, si la danger représenté par le FN, rebaptisé entre temps, semble écarté pour un temps, il a permis de mettre ouvertement au pouvoir la classe capitaliste. Elle a su recycler un banquier d’affaire pour en faire un président fantoche trop heureux d’appliquer le programme de sa classe en sanctuarisant et en étendant son pouvoir dans toutes les sphères, économique, politique et médiatique. Dans la lignée de ses prédécesseurs, il détruit une à une les conquêtes de la Résistance pour permettre aux grands industriels et financiers de se gaver toujours plus. D’un côté, il fait semblant de s’émouvoir de la destinée de millier d’Africains et de Syriens cherchant à rejoindre une terre sûre en donnant des leçons aux gouvernements étrangers mais n’hésite pas à déclencher des bombardements pour prolonger les guerres et déstabiliser les pays refusant la main-mise occidentale.
Cet été l’affaire Benalla nous aura encore démontrer que la lutte pour la liberté, l’égalité et la démocratie est d’une actualité brûlante. Elle a mis en lumière les pratiques délétères et anti-démocratique d’un pouvoir de plus en plus sûr de lui même, n’hésitant pas à mentir sous serment et à faire obstruction au travail parlementaire pour cacher la vérité. C’est le retour des sicaires bons pour donner le coup de poing et prêts à donner le coup de feu. Des armes dans les locaux du parti au pouvoir ? Elles rappellent étrangement des pratiques d’un autre siècle pourtant toujours bien vivaces.
Résister est un verbe qui doit toujours se conjuguer au présent car la lutte anti-fasciste qui animait les résistants de 1944 est aussi et avant tout une lutte anti-capitaliste, une lutte pour l’émancipation des travailleurs et de l’humanité tout entière. Nous ne devons pas oublier, malgré toute la propagande qui se déchaîne, que la Résistance est en premier lieu celle des communistes et que pour un Doriot, il y eu des milliers de Barel, de Thorin et de Grassi, que la collaboration fut avant tout une collaboration patronale issue de la droite et de l’extrême-droite et que la Résistance fut une résistance ouvrière issue en majorité des rangs de la CGT et du Parti Communiste.
Nous n’oublions pas que notre engagement internationaliste est précieux. En métropole, ce sont aussi les grands pères d’hommes et de femmes aujourd’hui méprisés et stigmatisés qui, venant de tout l’empire colonial français, sont tombés pour nos libertés, des goumiers marocains aux tirailleurs sénégalais. Nous n’oublions pas que c’est grâce à la résistance des peuples d’Europe, notamment en Grèce ou en Yougoslavie qui, comme en France rendait la vie impossible à l’occupant libérant ainsi des pans entiers de leurs territoires. Nous n’oublions pas que c’est grâce à la résistance puis à l’avancée inexorable de l’Armée Rouge, tout autant, si ce n’est bien plus, qu’au débarquement anglo-américain, que nous pouvons être là aujourd’hui, pour célébrer la libération de notre ville.
Nous n’oublions pas non plus que c’est dans une France exsangue que sont nées de grandes ambitions sociales pour ce pays (le statut de la fonction publique, la sécurité sociale, les monopoles publics sur l’énergie et les secteurs stratégiques pour le pays), ambitions méticuleusement mises à mal depuis des décennies par le patronat et des gouvernements de plus en plus à sa bote. Il faut se souvenir de nos glorieux aînés qui portèrent à bout de bras le programme du Conseil National de la Résistance et les grands conquis qui façonnèrent notre société, des conquis qu’il nous faut défendre contre le MEDEF et ses sbires car ils sont un socle solide sur lequel notre pays doit s’appuyer pour aller vers une société plus juste et harmonieuse.
Ainsi, souvenons nous des FTP, du CNR, de ce passé au combien glorieux pour nos combats d’aujourd’hui. Nous savons que la Paix ne peut se construire dans un monde aussi inégalitaire et soumis aux intérêts mercantiles d’une poignée d’individus. Comme toute société d’exploitation, le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage et seules la justice sociale et l’égalité garantiront l’harmonie et le progrès à l’humanité. Ainsi, souvenons nous de ce passé pour l’avenir et construire pour notre nation une République qui fasse vivre au quotidien sa devise et ses valeurs.