Code du travail : Déflagration sur ordonnances
Le débat sur le projet de loi habilitant le gouvernement à réformer le code du travail par ordonnances a débuté à l’Assemblée Nationale.
Le projet gouvernemental, en élargissant considérablement la brèche ouverte par la loi El Khomri, tend à faire changer de base la conception même du droit du travail en renforçant les pouvoirs du patronat sur ceux des salariés.
Ce n’est en effet pas seulement une énième loi pour grignoter des droits des salariés comme on en a tant connu depuis plus de 20 ans. La brèche ouverte par la loi El Khomri est celle de l’inversion de la hiérarchie des normes. Avant, un accord d’entreprise ne pouvait que faire mieux que l’accord de branche, lui-même ne pouvant faire moins que la loi.
La primauté à l’accord d’entreprise
La loi El Khomri limitait principalement la possibilité pour l’accord d’entreprise de déroger à l’accord de branche sur la question du temps de travail. Le projet de loi en vue des ordonnances pose le principe général de la primauté de l’accord d’entreprise et pose en exceptions limitatives les domaines où l’accord de branche restera premier.
En contrepartie empoisonnée, le projet gouvernemental fait mine de renforcer les accords de branche…au détriment de la loi !
Ainsi « la gestion et la qualité de l’emploi » relèveraient des accords de branche, ce qui signifie que certaines règles concernant le recours aux CDD (motifs de recours, prime de précarité, renouvellement, .. ) pourraient être variables d’une branche à l’autre et ne plus relever de la loi !
Au final, la construction est limpide : recul de la loi vers des accords de branche et d’entreprise, et corsetage des accords de branche face à la primauté des accords d’entreprise.
Renforcement de la partie patronale
Sous prétexte de « souplesse », la partie patronale se voit systématiquement renforcée vis-à-vis des salariés et de leurs représentants.
· C’est la « barémisation » des indemnités prud’homales lorsque le licenciement est reconnu abusif.
· Dans les faits c’est permettre au patron de savoir d’avance à quel prix il peut s’acheter un licenciement illégal !
· C’est aussi la voie ouverte en vue de permettre au patron d’organiser un référendum d’entreprise pour mieux contourner les organisations syndicales.
· C’est la fusion des instances représentatives du personnel (DP, CE, CHSCT ) en une instance unique dans de très nombreuses entreprises.
· C’est la réduction des délais, pour contester un licenciement, ou contester la légalité d’un accord d’entreprise.
· Quant à la pénibilité, elle est sortie des domaines réservés à la branche professionnelle pour être renvoyée aux accords d’entreprise, tout en voulant « simplifier » le compte pénibilité.
Fragilisation de l’emploi
L’instrument en est ici la proposition d’élargir les recours possibles au « CDI de projet par accord de branche ou à défaut à titre expérimental ». Or qu’est-ce qu’un « CDI de projet », lui-même élargissement de la notion de « CDI de chantier » du BTP ?
Tout simplement un CDD où l’employeur n’a plus à la fin l’obligation légale de payer la prime de précarité propre aux CDD. C’est un véritable démantèlement du CDI de type classique.
Les trois failles majeures du projet de loi
Il repose sur la mystification de « l’obésité » du Code du travail actuel. Or le Code du travail souffre de ce point de vue de l’inflation de dérogations imposées au fil des ans par le patronat et les gouvernements successifs.
On ne peut que conseiller la consultation de la contre « proposition de Code du travail » fait par un certain nombre de juristes ( http://pct.u-paris10.fr ) qui démontre que Code du travail « moins gros» et droits des salariés mieux garantis est parfaitement possible
La deuxième mystification est celle de « l’assouplissement » des règles pour favoriser l’emploi.
De l’Angleterre à l’Allemagne, et en France même, les dernières décennies montrent implacablement que cette fragilisation ne dope que la précarité et la multiplication des « travailleurs pauvres » dans un sous-emploi élargi.
Et c’est évidemment un projet qui ne dit rien d’une réorientation et d’une relance de l’économie, indispensable à la promotion d’un emploi de qualité.
Rien pour diminuer le coût du capital et les prélèvements des dividendes, rien des salaires qui globalement n’ont toujours pas retrouvé le pouvoir d’achat de 2008, rien de la récupération des moyens perdus dans la fraude fiscale, etc..
La bonne riposte, c’est la dynamique initiée par l’appel unitaire « Pour un Code du travail protecteur des salariés, non à la loi travail XXL ». ( http://pournosdroitssociaux.fr ).