L’ennemi, c’est toujours la finance ?
Au terme de ce quinquennat finissant, la question se pose. Qu’est-ce qui a été fait pour terrasser et maîtriser cet ennemi, joliment stigmatisé lors du très fameux discours du Bourget en janvier 2012 ?
Les affaires financières n’ont cessé d’émailler le mandat présidentiel, Cahuzac bien sûr, mais nous citerons aussi offshoreleaks, Luxleaks, UBS, HSBC, Panama Papers… Les dernières réunions de la Commission des Finances du Sénat, tenues en février dernier, furent aussi l’occasion pour nous de tirer une forme de bilan. Nous eûmes notamment deux auditions en commission sur le thème : « les avantages concurrentiels de la place financière de Paris après le Brexit ». Pour nous parler de ce sujet, des invités prestigieux du monde de la finance sont réunis. M. Proglio, représentait la Morgan Stanley France, une représentante de la Fédération Bancaire Française, la nouvelle Directrice Générale du Trésor, Mme Odile Renaud Basso, M. Boujnah, PDG d’Euronext (la Bourse de Paris) et, cerise sur le gâteau, M. De Leusse, Président de la banque UBS France !
Tous ensemble réunis dans une sorte d’union sacrée pour faire venir à Paris les activités financières qui voudraient fuir la City. On croit rêver. Malaise dans la République, le Ministère de la République aux côtés de la banque UBS pour porter ce message, la banque UBS aux prises avec la justice française pour blanchiment de fraude fiscale et démarchage illicite, un jugement annoncé pour le printemps, l’amende pouvant atteindre 5 milliards d’euros. La semaine suivante, audition de M. William Coen, représentant le Comité de Bâle censé réguler les banques après la crise financière. Une instance non juridique qui formule des propositions, non contraignantes aux professionnels de l’industrie financière. A la question de savoir s’il estime que la régulation bancaire est suffisante, M. Coen répond : « Oui, nous en avons fait assez ». Et pourtant, tous les spécialistes s’accordent à dire que la finance internationale est atteinte d’hypertrophie. Quelques chiffres pour illustrer ce propos. De nombreuses activités désertent le secteur régulé pour se diriger vers ce que l’on appelle en anglais le « shadow banking », la finance de l’ombre. Ce sont ainsi 80 000 milliards de dollars qui sont gérés dans ce système, hors de tout contrôle ! Pas moins de 38 % de la finance mondiale. M. William Coen admet, à ce stade, que cette situation génère des risques lourds. L’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche rassure les marchés, mais suscite de grosses inquiétudes.
La composition de son administration, avec trois anciens dirigeants de la banque Goldman Sachs pourrait-elle expliquer que le Président américain s’attaque d’emblée à la régulation des banques et aux taux de l’impôt sur les sociétés ? La finance est aux manettes, elle reste évidemment l’adversaire de tout progrès humain et fait courir à nos sociétés des périls considérables. Curieusement, dans la nouvelle campagne présidentielle qui s’engage, cette question ne vient jamais, on nous enferme dans le carcan et le piège idéologique que les tenants de la finance ont construit ; déficit, dette et réduction de la dépense publique.
Au fait, nos invités cités plus haut demandaient aux sénateurs d’assouplir le droit du travail français et surtout de ne pas alourdir les taxes. Telles sont les conditions pour que Paris ait ses chances dans la course à l’échalote post-Brexit. Alors camarades Sénateurs, on résiste ou on s’exécute ?
Eric Bocquet
Sénateur PCF du Nord