Renforcer la République : Contribution du PCF au débat organisé par Nice Au Coeur
La République ? Invoquée pour conjurer les attentats djihadistes, convoquée pour justifier le basculement dans une régression sécuritaire, embaumée pour masquer la nature monarchique de sa constitution, statufiée pour dissiper sa confiscation par une caste oligarchique, la République est épuisée d’être ainsi manipulée. Pour renaître, elle doit se nourrir d’une sève démocratique qui fasse éclore les promesses d’égalité, de liberté et fraternité qu’elle porte. Mais comment faire quand de scrutins en scrutins, la confiance des citoyens dans les institutions et les partis de la République s’érode, quand les promesses d’égalité ne sont pas tenues et la fraternité reste un vœu pieux ? Comment sortir par le haut d’une crise politique où l’issue proposée est autoritaire ou technocratique ?
La République doit se renouveler en retrouvant ses fondements oubliés, la Grèce, la Révolution française, et en ouvrant ses horizons au grand large d’une démocratisation des institutions politiques et des pouvoirs économiques qui reste à faire. L’issue à cette crise ne réside pas dans la promotion d’une solution qui ferait du recours au peuple un slogan électoral mais dans une nouvelle manière de « faire » la démocratie en inventant des formes originales de participation des citoyens tant au plan social qu’économique et politique.
Loin de suivre cette voix, depuis les quinquennats de Sarkozy et Hollande, singulièrement depuis l’arrivée de Valls à Matignon, c’est malheureusement le chemin inverse auquel nous assistons. Après le débat sur l’identité nationale il y a quelques années, il y a eu le débat sur la déchéance de nationalité où le gouvernement s’est piégé lui-même à force de chercher à plaire à certains. Ce moment a constitué une fracture entre le peuple de gauche et le gouvernement.
Il y a la laïcité dévoyée, où on finit par perdre de vue que la loi de 1905 ce n'est pas la remise en cause des droits de l'Homme et de la liberté de conscience. Longtemps cantonnés au FN et aux Sarkozystes, ce dévoiement de la laïcité s’est généralisé à une partie de la gauche qui en fait non pas un outil du vivre ensemble mais une « nouvelle religion » qui sépare les gens, revenant non seulement sur l’esprit et la lettre de la loi de 1905 mais allant également à l’encontre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des textes fondateurs de notre République.
En rendant son arrêt le 26 août dernier, au motif notamment qu’ « aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l'ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes »et que « l’arrêté litigieux a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle », le Conseil d’État applique l’esprit de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789, partie intégrante de la Constitution de 1958, en particulier les articles 4 et 10 qui énoncent : « Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits ; Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ».
La notion de « laïcité » a souvent été avancée pour motiver les arrêtés municipaux « anti-burkinis ». Constatons simplement que la Loi sur la séparation des Églises et de l’État de 1905, symbole d’une laïcisation affirmée de la République Française, dispose, dès son article 1, que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ». Avant d’acter, dans l’article 2, la séparation avec les Églises et la neutralité de la République qui « ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. ». La laïcité s’appliquant donc à l’Etat et à ses institutions mais pas à ses citoyens dans l’espace public.
En l’absence de trouble à l’ordre public avéré, c’est sur la base des mêmes arguments qu’une loi anti-burkini se révèlerait anticonstitutionnelle. Mais le burkini n’est qu’un prétexte de circonstance, derrière lequel se cachent d’autres tentations.
Celle d’une partie de la classe politique française qui voudrait bien faire revenir la France avant 1905. Nicolas Sarkozy ne s’en cachait pas vraiment en décembre 2007 en prononçant son discours, devant les Cardinaux au Palais du Latran, avec cette phrase terrible : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur. »
Au travers de l’entêtement d’élus à maintenir les arrêtés anti-burkini, ou bien face à la volonté de vouloir légiférer comme le demande Nicolas Sarkozy, on peut s’interroger s’il n’existe pas aussi une volonté, inavouable, de transformer la laïcité à la française en une insupportable « laïcité » au faciès, pour institutionnaliser une logique persistante de stigmatisation, dangereuse pour notre société. Cette laïcité ne serait donc que le masque d’un racisme bien ancien et d’un esprit colonial sur le retour s’illustrant jusqu’à la caricature dans les propos de François Fillon qui parle de la colonisation comme un « échange culturel ». Mais ce même esprit colonial se retrouve dans les injonctions faites aux musulmans, et à eux seuls, de choisir la discrétion dans l’expression de leur foi.
Ainsi, dans un contexte politique où la droite est en difficulté pour exister face à un gouvernement qui lui a piqué son programme économique et lui emprunte les thèmes identitaires, le burkini -comme d’autres questions de société- joue le rôle de leurre. Un leurre qui divise ceux là-mêmes qui subissent les logiques libérales, un leurre qui évite de parler du reste (chômage, précarisation, corruption, discriminations de toutes sortes, logiques guerrière et néocoloniales…)
Renforcer la République c'est être intraitable sur tout ce qui participe à stigmatiser une partie de la communauté nationale, c’est faire de la laïcité l'outil du vivre ensemble, il faut reprendre le combat contre toutes les discriminations.
Renforcer la République implique de lutter contre les politiques ultra-sécuritaires qui attaquent les liberté individuelles en nous éloignant des valeurs républicaines de l'Etat de droit, du droit international et des conventions signées par la France (accueil des réfugiés, droit d’asile, protection des mineurs isolés, etc.).
Renforcer la République, c’est le développement, la démocratisation dans leur gestion et le renforcement des services publics qui font vivre au quotidien l'égalité entre les individus et entre les territoires.
Renforcer la République qui s’abime dans exercice monarchique anachronique et caricaturée par l’usage intempestif du 49-3, c’est lui donner aujourd’hui les moyens institutionnels et financiers de faire vivre les valeurs qu’elle proclame : Liberté, Egalité, Fraternité.
Philippe PELLEGRINI
Secrétaire de la section de nice du PCF