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Publié par pcf nice nord

Lutter contre le terrorisme exige une autre stratégie

Depuis les attentats de janvier 2015, le pouvoir oppose le même discours sécuritaire et guerrier au terrorisme. Ce qui n’a pas empêché la tuerie de Nice. Quelques voix s’élèvent pourtant pour proposer d’autres pistes de sortie de ce piège, que ce soit en termes de politique intérieure ou de politique étrangère.

Sans les dizaines de victimes et la gravité de l'acte, les réactions des politiques à l'attentat de Nice pourraient presque paraître lassantes. Depuis le 14 Juillet, c'est une sorte de mauvais cauchemar qui s'est rejoué sous nos yeux. Avec les mêmes postures, les mêmes discours, les mêmes gesticulations et les mêmes fausses solutions. Le président de la République, le premier ministre ont, à l'unisson, rejoué la partition de l'état d'urgence, de la France en guerre, de la fatalité quant à la possibilité de nouveaux attentats et d'une action militaire accrue de la France en Syrie... La droite, en face, a joué dans la surenchère, oubliant cette fois toute union nationale pour charger l'exécutif.

UNE FUITE EN AVANT

Pourtant, ce nouveau massacre est en soi la démonstration de l'échec de la politique française en matière de lutte contre le terrorisme. Quelques voix, au milieu du concert sécuritaire et guerrier du week-end dernier, ont tenté de faire entendre autre chose. « La France est en guerre contre l' "État islamique", soit », écrivait ainsi dans « Libération » l'écrivain marocain-néerlandais Fouad Laroui, « mais ce n'est pas une raison pour tout voir par le prisme de cette guerre-là ». Avant même la revendication publiée par DAECH, tous les politiques, tous les commentateurs médiatiques ont affirmé voir la main de l'« État islamique » derrière l'attentat de Nice. Il y a, certes, quelques raisons objectives de le penser... Pour autant, l'enquête n'a toujours pas établi de lien entre le passage à l'acte de l'auteur de cette tuerie et l'organisation « État islamique ». Le communiqué de revendication est luimême peu explicité en la matière, ainsi que le rappelle l'islamologue Gilles Kepel : « On n'est même pas sûr qu'il y ait eu un lien ou des instructions », rappelle-t-il dans « Ouest-France ».
Cessons de tout voir à travers le prisme d'une guerre contre DaeCh. De sacrifier les libertés à la sécurité.
« D'une certaine façon, c'est terrible. Cela fait naître du soupçon partout. Cela montre que les instruments de l'État, làdessus, sont inefficients. » De ce fait, le discours officiel du pouvoir n'est-il pas plus dangereux qu'autre chose ? Dans « Libération », le politologue Jean-François Bayart estime que le « tout-sécuritaire sert ceux qui nous frappent ». « Il serait temps de suspendre cette fuite en avant, affirme-t-il. De réviser la politique étrangère qui nous a conduits là où nous en sommes, et dont les choix stratégiques tantôt ont enclenché la machine infernale,
tantôt empêchent de la désamorcer. De renoncer aux politiques néolibérales qui ont déchiré le tissu social et au discours culturaliste qui a communautarisé le pays, sous prétexte d'en exalter l'identité nationale. Et, dans l'immédiat, d'en revenir à une police de renseignement, de proximité et d'infiltration, dès lors que la très dispendieuse surveillance numérique s'avère vaine. » Pour la Ligue des droits de l'homme (LDH), il faut refuser cette logique qui restreint les libertés au nom de la sécurité : « Alors que les pouvoirs publics ont fait voter des dispositions extrêmement graves pour les libertés au prétexte qu'il fallait organiser une sorte d'état d'urgence sans l'état d'urgence, voici qu'ils conjuguent ces textes répressifs et l'état d'urgence. Une telle attitude, à laquelle s'ajoutent les propos démagogiques d'une grande partie de l'opposition, ne permet nullement de lutter efficacement contre les actes de terrorisme, mais porte atteinte à tous les ressorts de la vie démocratique. » Le sociologue Farhad Khosrokhavar, spécialiste de l'islam et de la radicalisation, laisse même entendre que l'environnement créé par les attentats de masse (et donc la réaction des autorités et des politiques) pourrait favoriser le passage à l'acte de déséquilibrés dont DAECH ne serait que la couverture. « Son cas relève de la psychiatrie, pas de l'idéologie », dit-il à propos du tueur de Nice. « C'est une radicalisation par mimétisme : il imite ce qu'il se passe car il est psychologiquement instable. S'il avait vécu en Grande-Bretagne, où aucun attentat majeur n'a été commis depuis 2005, il aurait peutêtre agi autrement », estime le chercheur dans « l'Express ».

OPÉRATIONS MILITAIRES

La politique étrangère de la France, qui répond donc par la guerre en dehors de son territoire, alimente ce climat. Sur le plan diplomatique, les discours martiaux de la majorité des élus et dirigeants politiques laissent peu de doute sur la volonté de mener des opérations militaires en Irak et en Syrie. Depuis le mandat de Nicolas Sarkozy, une ligne néoconservatrice s'est imposée sur la diplomatie française et notamment au Quai d'Orsay pour se rapprocher des États-Unis. L'intervention en Libye a dévoilé cette rupture. « La France a fait à son échelle ce que Bush avait fait en Irak, c'est-à-dire détruire un régime et laisser derrière elle un chaos qu'elle n'a aucune capacité à gérer », analyse Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense, dans le quotidien suisse « le Temps ».
Un professeur de psychopathologie, Fethi Benslama, proposait dans « le Monde » d'autres pistes : « Il faut aujourd'hui recourir aux forces de l'intelligence collective en France, sur le plan de la recherche en sciences humaines, sur le plan de l'action sociale, dans l'éducation, au niveau de la politique locale, pour retisser des liens défaits. » La dislocation de la société, c'est ce que recherche DAECH en revendiquant la tuerie de Nice, deux jours après. Et les responsables politiques prêtent le flanc à cette stratégie.
 
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